Réflexions et maximes

Vauvenargues

Deux éditions : D.-L. Gilbert, Furne et Cie, éditeurs, 1857 / Équateurs parallèles, 2014

 

Rmq. La ponctuation de la vieille édition est plus jolie, dans les rares variations de mots également (ex : la 207).

 

Réflexions et maximes

20. « La raison et la liberté sont incompatibles avec la faiblesse. »

34. « Nous ne connaissons pas l’attrait des violentes agitations : ceux que nous plaignions de leurs embarras, méprisent notre repos. »

37. « Les jeunes gens connaissent plutôt l’amour que la beauté. »

38. « Les femmes et les jeunes gens ne séparent point leur estime de leurs goûts. »

46. « Ceux qui manquent de probité dans les plaisirs n’en ont qu’une feinte dans les affaires : c’est la marque d’un naturel féroce, lorsque le plaisir ne rend point humain. »

47. « Les plaisirs enseignent aux princes à se familiariser avec les hommes. »

54. « Nous négligeons souvent les hommes sur qui la nature nous donne ascendant, qui sont ceux qu’il faut attacher et comme incorporer à nous, les autres ne tenant à nos amorces que par l’intérêt, l’objet du monde le plus changeant. »

72. « La modération des grands hommes ne borne que leurs vices. »

73. « La modération des faibles est médiocrité. »

75. « Le sentiment de nos forces les augmente. »

81. « Les hommes ont la volonté de rendre service, jusqu’à ce qu’ils en aient le pouvoir. »

93. « On peut dominer par la force, mais jamais par la seule adresse. »

106 (et 351). « Nous découvrons en nous-mêmes ce que les autres nous cachent, et nous reconnaissons dans les autres ce que nous nous cachons à nous-mêmes. »

117. « La stérilité de sentiment nourrit la paresse. »

125. « Si la passion conseille quelquefois plus hardiment que la réflexion, c’est qu’elle donne plus de force pour exécuter. »

131. « Personne n’est sujet à plus de fautes que ceux qui n’agissent que par réflexion. »

149. « L’esprit est l’œil de l’âme, non sa force. Sa force est dans le cœur, c’est-à-dire dans les passions. La raison la plus éclairée ne donne pas d’agir et de vouloir. Suffit-il d’avoir la vue bonne pour marcher ? Ne faut-il pas encore avoir des pieds, et la volonté avec la puissance de les remuer ? »

153. « Aurions-nous cultivé les arts sans les passions ? et la réflexion, toute seule, nous aurait-elle fait connaître nos ressources, nos besoins, et notre industrie ? »

161. « Il est injuste d’exiger des hommes qu’ils fassent, par déférence pour nos conseils, ce qu’ils ne veulent pas faire pour eux-mêmes. » Même idée à 474 : « C’est être injuste d’exiger des autres qu’ils fassent pour nous ce qu’ils ne veulent pas faire pour eux même. »

171. « Nul homme n’est faible par choix. »

182. « Celui qui serait né pour obéir, obéirait jusque sur le trône. »

187. « Entre rois, entre peuples, entre particuliers, le plus fort se donne des droits sur le plus faible, et la même règle est suivie par les animaux, par la matière, par les éléments, etc., de sorte que tout s’exécute dans l’univers par la violence ; et cet ordre, que nous blâmons avec quelque apparence de justice, est la loi la plus générale, la plus absolue, la plus immuable, et la plus ancienne de la nature. »

188. « Les faibles veulent dépendre, afin d’être protégés : ceux qui craignent les hommes aiment les lois. »

189 (et 570). « Qui sait tout souffrir peut tout oser. »

191. « Il est bon d’être ferme par tempérament, et flexible par réflexion. »

195. « Lorsque les plaisirs nous ont épuisés, nous croyons avoir épuisé les plaisirs ; et nous disons que rien ne peut remplir le cœur de l’homme. »

196. « Nous méprisons beaucoup de choses pour ne pas nous mépriser nous-mêmes. »

197. « Notre dégoût n’est point un défaut et une insuffisance des objets extérieurs, comme nous aimons à le croire, mais un épuisement de nos propres organes, et un témoignage de notre faiblesse. »

204. « Ce n’est pas un grand avantage d’avoir l’esprit vif, si on ne l’a juste : la perfection d’une pendule n’est pas d’aller vite, mais d’être réglée. »

206. « Il y a plus de sérieux que de folie dans l’esprit des hommes. Peu sont nés plaisants ; la plupart le deviennent par imitation, froids copistes de la vivacité et de la gaîté. »

207. « Ceux qui se moquent des goûts sérieux aiment sérieusement les bagatelles. »

212. « On discerne aisément la vraie de la fausse étendue d’esprit ; car l’une agrandit ses sujets, et l’autre, par l’abus des épisodes et par le faste de l’érudition, les anéantit. »

213. « […] On ne saurait trop rapprocher les choses, ni trop tôt conclure : il faut saisir d’un coup d’œil la véritable preuve de son discours, et courir à la conclusion. Un esprit perçant fuit les épisodes, et laisse aux écrivains médiocres le soin de s’arrêter à cueillir toutes les fleurs qui se trouvent sur leur chemin. C’est à eux d’amuser le peuple, qui lit sans objet, sans pénétration, et sans goût. »

216. « Un homme qui digère mal, et qui est vorace, est peut-être une image assez fidèle du caractère d’esprit de la plupart des savants. »

219. « Il y a peut-être autant de vérités parmi les hommes que d’erreurs, autant de bonnes qualités que de mauvaises, autant de plaisirs que de peines ; mais nous aimons à contrôler la nature humaine, pour essayer de nous élever au-dessus de notre espèce, et pour nous enrichir de la considération dont nous tâchons de la dépouiller. Nous sommes si présomptueux, que nous croyons pouvoir séparer notre intérêt personnel de celui de l’humanité, et médire du genre humain, sans nous compromettre. Cette vanité ridicule a rempli les livres des philosophes d’invectives contre la nature. […] »

230. « La plupart des hommes sont si resserrés dans la sphère de leur condition, qu’ils n’ont pas même le courage d’en sortir par leurs idées ; et, si l’on en voit quelques-uns que la spéculation des grandes choses rend en quelque sorte incapables des petites, on en trouve encore davantage à qui la pratique des petites a ôté jusqu’au sentiment des grandes. »

244. « Moins on est puissant dans le monde, plus on peut commettre de fautes impunément, ou avoir inutilement un vrai mérite. »

248. « La nécessité modère plus de peines que la raison. »

249. « La nécessité empoisonne les maux qu’elle ne peut guérir. »

250. « Les favoris de la fortune ou de la gloire, malheureux à nos yeux, ne nous détournent point de l’ambition. »

251. « La patience est l’art d’espérer. »

261. « Lorsqu’on ne veut rien perdre ni cacher de son esprit, on en diminue d’ordinaire la réputation. »

267. « Il ne faut point juger des hommes par ce qu’ils ignorent, mais par ce qu’ils savent, et par la manière dont ils le savent. »

320. « Il n’y a rien que la crainte et l’espérance ne persuadent aux hommes. »

430. « L’avarice ne s’assouvit pas par les richesses, ni l’intempérance par la volupté, ni la paresse par l’oisiveté, ni l’ambition par la fortune ; mais, si la vertu même et si la gloire ne nous rendent heureux, ce que l’on appelle bonheur vaut il nos regrets ? »

464. « L’esprit a besoin d’être occupé, et c’est une raison de parler beaucoup que de penser peu. »

558. « C’est souvent un grand avantage pour le négociateur s’il peut faire croire qu’il n’entend pas les intérêts de son maitre et que la passion le conseille ; il évite par là qu’on le pénètre, et réduit ceux qui ont envie de finir à se relâcher de leurs prétentions. Les plus habiles se croient quelquefois obligés de céder à un homme qui résiste lui-même à la raison et qui échappe à toutes leurs prises. »

571. Les hommes sont ennemis nés les uns des autres, non à cause qu’ils se haïssent, mais parce qu’ils ne peuvent s’agrandir sans se traverser ; de sorte qu’en observant religieusement les bienséances qui sont les lois de la guerre tacite qu’ils se font, j’ose dire que c’est presque toujours injustement qu’ils se taxent de part et d’autre d’injustice.

609. La solitude est à l’esprit ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu’elle est trop longue, quoique nécessaire.

613. L’éloquence vaut mieux que le savoir.

Conseils à un jeune homme

« Nous jugeons rarement des choses, mon aimable ami, par ce qu’elles sont en elles-mêmes ; nous ne rougissons pas du vice, mais du déshonneur. Tel ne se ferait pas scrupule d’être fourbe, qui est honteux de passer pour tel, même injustement. Nous demeurons flétris et avilis à nos propres yeux, tant que nous croyons l’être à ceux du monde ; nous ne mesurons pas nos fautes par la vérité, mais par l’opinion. »

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