La Princesse de Clèves et autres romans

Madame de La Fayette

Edition de référence : folio, 1986

  

 

La Princesse de Clèves

« Toutes ces différentes cabales avaient de l’émulation et de l’envie les unes contre les autres. Les dames qui les composaient avaient aussi de la jalousie entre elles, ou pour la faveur, ou pour les amants ; les intérêts de grandeur et d’élévation se trouvaient souvent joints à ces autres intérêts moins importants, mais qui n’étaient pas moins sensibles. Ainsi il y avait une sorte d’agitation sans désordre dans cette cour, qui la rendait très-agréable, mais aussi très-dangereuse pour une jeune personne. » (p. 143)

« Je les ignore si entièrement, que je croyais, il y a peu de jours, que M. le connétable était fort bien avec la reine. – Vous aviez une opinion bien opposée à la vérité, répondit Mme de Chartres. La reine hait M. le connétable ; et, si elle a jamais quelque pouvoir, il ne s’en apercevra que trop. Elle sait qu’il a dit plusieurs fois au roi, que de tous ses enfants il n’y avait que les naturels qui lui ressemblassent. – Je n’eusse jamais soupçonné cette haine, interrompit Mme de Clèves, après avoir vu le soin que la reine avait d’écrire à M. le connétable pendant sa prison, la joie qu’elle a témoignée à son retour, et comme elle l’appelle toujours mon compère, aussi bien que le roi. – Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, répondit Mme de Chartres, vous serez souvent trompée : ce qui paraît n’est presque jamais la vérité. » (p. 156-167)

Tout se perce en observant : « Mme la dauphine crut ce que disait Mme de Chartres : M. de Nemours fut bien fâché d’y trouver de l’apparence ; néanmoins la rougeur de Mme de Clèves lui fit soupçonner que ce que Mme la dauphine avait dit n’était pas entièrement éloigné de la vérité. » (p. 168)

« Mme de Clèves était encore au lit, l’esprit aigri et agité de tristes pensées qu’elle avait eues pendant la nuit. Elle fut extrêmement surprise, lorsqu’on lui dit que M. de Nemours la demandait. L’aigreur où elle était ne la fit pas balancer à répondre qu’elle était malade et qu’elle ne pouvait lui parler. Ce prince ne fut pas blessé de ce refus ; une marque de froideur, dans un temps où elle pouvait avoir de la jalousie, n’était pas un mauvais augure. » (p. 228)

« Le roi de Navarre arriva, et ne fut pas mieux reçu [par le nouveau roi et ses favoris]. Le prince de Condé, moins endurant que son frère, se plaignit hautement ; ses plaintes furent inutiles : on l’éloigna de la cour sous le prétexte de l’envoyer en Flandre signer la ratification de la paix. On fit voir au roi de Navarre une fausse lettre du roi d’Espagne, qui l’accusait de faire des entreprises sur ses places ; on lui fit craindre pour ses terres ; enfin on lui inspira le dessein de s’en aller en Béarn. La reine lui en fournit un moyen, en lui donnant la conduite de Mme Élisabeth, et l’obligea même à partir devant cette princesse ; et ainsi il ne demeura personne à la cour qui pût balancer le pouvoir de la maison de Guise. » (p. 272)

« Il revint trouver M. de Nemours, qui était si plein de joie, de tristesse, d’étonnement et d’admiration, enfin, de tous les sentiments que peut donner une passion pleine de crainte et d’espérance, qu’il n’avait pas l’usage de la raison. » (p. 309)

 

La comtesse de Tende

« « Le désir d’empêcher l’éclat de ma honte l’emporte présentement sur ma vengeance ; je verrai, dans la suite, ce que j’ordonnerai de votre indigne destinée ; conduisez-vous comme si vous aviez toujours été ce que vous deviez être. » La comtesse reçut ce billet avec joie ; elle le croyait l’arrêt de sa mort ; et, quand elle vit que son mari consentait qu’elle laissât paraître sa grossesse [fruit d’adultère], elle sentit bien que la honte est la plus violente de toutes les passions : elle se trouva dans une sorte de calme de se croire assurée de mourir, et de voir sa réputation en sûreté ; elle ne songea plus qu’à se préparer à la mort ; et, comme c’était une personne dont tous les sentiments étaient vifs, elle embrassa la vertu et la pénitence avec la même ardeur qu’elle avait suivi sa passion. » (p. 333-334)

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