Saint-Exupéry
Édition de référence : Pléiade (Gallimard), 1953
« […] il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas m’en réjouir. Cette histoire de griffes, qui m’avait tellement agacé, eût dû m’attendrir… [mensonge de la fleur, qui cherche des occasions de se plaindre pour gagner de l’attention] » (p. 435)
« – Et que fais-tu de cinq cents millions d’étoiles ?
– Cinq cent un millions six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. Je suis sérieux, moi, je suis précis.
– Et que fais-tu de ces étoiles ?
– Ce que j’en fais ?
– Oui.
– Rien. Je les possède.
– Tu possèdes les étoiles ?
– Oui.
– Mais j’ai déjà vu un roi qui…
– Les rois ne possèdent pas. Ils « règnent » sur. C’est très différent.
– Et à quoi cela te sert-il de posséder les étoiles ?
– Ça me sert à être riche.
– Et à quoi cela te sert-il d’être riche ?
– À acheter d’autres étoiles, si quelqu’un en trouve.
« Celui-là, se dit en lui-même le petit prince, il raisonne un peu comme mon ivrogne. » Cependant il posa encore des questions :
– Comment peut-on posséder les étoiles ?
– À qui sont-elles ? riposta, grincheux, le businessman.
– Je ne sais pas. À personne.
– Alors elles sont à moi, car j’y ai pensé le premier.
– Ça suffit ?
– Bien sûr. Quand tu trouves un diamant qui n’est à personne, il est à toi. Quand tu trouves une île qui n’est à personne, elle est à toi. Quand tu as une idée le premier, tu la fais breveter : elle est à toi. Et moi je possède les étoiles, puisque jamais personne avant moi n’a songé à les posséder.
– Ça c’est vrai, dit le petit prince. Et qu’en fais-tu ?
– Je les gère. Je les compte et je les recompte, dit le businessman. C’est difficile. Mais je suis un homme sérieux !
Le petit prince n’était pas satisfait encore.
– Moi, si je possède un foulard, je puis le mettre autour de mon cou et l’emporter. Moi, si je possède une fleur, je puis cueillir ma fleur et l’emporter. Mais tu ne peux pas cueillir les étoiles !
– Non, mais je puis les placer en banque.
– Qu’est-ce que ça veut dire ?
– Ça veut dire que j’écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j’enferme à clef ce papier-là dans un tiroir.
– Et c’est tout ?
– Ça suffit !
« C’est amusant, pensa le petit prince. C’est assez poétique. Mais ce n’est pas très sérieux. » » (p. 449-450)
« Peut-être bien que cet homme est absurde. Cependant il est moins absurde que le roi, que le vaniteux, que le businessman et que le buveur. Au moins son travail a-t-il un sens. Quand il allume son réverbère, c’est comme s’il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère, ça endort la fleur ou l’étoile. C’est une occupation très jolie. C’est véritablement utile puisque c’est joli. » (p. 451-452)
« […] on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » (Le renard, p. 474)
« C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. » (Le renard, p. 474)
« Cette eau était bien autre chose qu’un aliment. Elle était née de la marche sous les étoiles, du chant de la poulie, de l’effort de mes bras. Elle était bonne pour le cœur, comme un cadeau. Lorsque j’étais petit garçon, la lumière de l’arbre de Noël, la musique de la messe de minuit, la douceur des sourires faisaient ainsi tout le rayonnement du cadeau de Noël que je recevais. » (Le narrateur, p.483)
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